» Fort de BelleGarde

Fort De Bellegarde

La colline de Bellegarde (423 m) domine les cols du Perthus (271 m) et de Panissars (335 m), les plus bas de la chaîne des Pyrénées. Placé au centre de la vaste dépression formée par ces deux cols, Bellegarde a joué un rôle stratégique majeur au cours des siècles.

Il est probable qu’une tour à signaux ait été le premier ouvrage militaire construit au sommet de cette colline. En effet le mot catalan « guarda » est un toponyme évoquant les fameuses tours d’où partaient selon un code établi des signaux de feu la nuit et de fumée le jour.

C’est ainsi qu’on alertait les populations et le château des Rois de Majorque de Perpignan qui centralisait les tours de Madeloc, de la Massana et de Saint Christophe. C’est sûrement lui qui dès le début de son règne avait conçu le plan d’une forteresse en ce lieu d’une importance stratégique capitale pour son fragile royaume. Cependant, la première mention d’un fort médiéval à Bellegarde ne date que de 1324. Il s’agit d’un salaire versé aux servants du château de « Bellaguàrdia. » 

Le Château médiéval

Dans l’atlas du chevalier de Beaulieu on trouve une gravure représentant ce château avant qu’il ne soit détruit et remplacé par la forteresse actuelle. Il s’agit d’un fort donjon rectangulaire de plusieurs étages entouré d’une enceinte. Les divers documents écrits relatifs aux travaux effectués à Bellegarde durant trois siècles laissent penser que l’enceinte était flanquée d’une ou deux tours. Ce fort, dépourvu d’artillerie, n’a pas connu jusqu’au milieu du XVII° s d’épisodes guerriers. Il s’est contenté de surveiller le plus souvent le va et vient des troupes en campagne. 

La première occupation française

Toutefois en 1462 le roi d’Aragon Jean II, en conflit avec ses sujets catalans, sollicite auprès du roi de France Louis XI une aide financière et militaire. Ce dernier la lui concède contre les rentes des contés aragonais de Roussillon et de Cerdagne. Jean II tardant à s’acquitter  de sa dette, Louis XI s’empare de Perpignan. Bellegarde est alors occupé. Il faudra attendre 1493 pour que le fort soit rétrocédé au royaume catalano-aragonais.

C’est donc ce fort médiéval qui devient propriété du roi de France en 1659, quand le Traité des Pyrénées rattache Roussillon Conflent et Cerdagne, au royaume de France. Un mémoire de 1718 qui évoque l’état de Bellegarde en 1660 parle d’une place dépassée, incapable de soutenir un siège et d’inquiéter un assaillant éventuel. En 1666, selon le fonds de l’Extraordinaire des Guerres ses effectifs sont de 17 hommes! 

Attaques espagnoles et construction du fort actuel

La période de guerres ininterrompues entre la France et l’Espagne qui succède au Traité des Pyrénées et surtout la guerre de Hollande (1672-1678), au cours de laquelle San German

Vice-roi de Catalogne s’empare de Bellegarde (1674) avant d’en être délogé (1675), met en évidence l’importance stratégique de la place. Dès lors les Français vont se lancer dans la construction d’un fort moderne, assez puissant pour arrêter un envahisseur éventuel.

Les ingénieurs militaires Saint Hilaire et Vauban sont les concepteurs du nouveau château fort qui pourra héberger 1200 hommes et 150 chevaux, et sera doté d’une puissante artillerie. Les travaux confiés à l’entrepreneur des fortifications du Roussillon et supervisés par Sylvestre Dubruelh commandant de la place, vont s’échelonner entre 1670 et 1688. Dès 1686 Vauban qui visite la place constate qu’elle sera « des plus jolies, des mieux situées, très bonne et des plus importantes».

Le creusement du grand puits

Située au sommet d’une colline granitique, la forteresse ne peut bénéficier d’aucune source naturelle. On avait donc prévu cinq citernes destinées à recueillir les eaux pluviales pour résoudre ce problème majeur. En 1683 Vauban donnait lui-même l’estimation de leur capacité. Quand elles seront pleines, il y aura de quoi fournir de l’eau à 1200 hommes quatre mois et demi durant, à cinq pintes chacun, en admettant qu’il ne tombe plus une goutte d’eau. Cependant les citernes se révèlent sans doute insuffisantes puisque l’on reprit les travaux de creusement d’un puits dans le bastion de Saint André. Ce puits, œuvre colossale entièrement taillée dans le roc, a une profondeur de 63 m pour un diamètre de 5m 85. Il est revêtu de maçonnerie dans sa partie supérieure. La hauteur moyenne de l’eau varie entre 27 m et 30 m, ce qui représente un volume de 750 à 850 m3 Entre les citernes et le puits, la forteresse ne pouvait jamais manquer d’eau. 

Descriptif de Bellegarde

Le fort de Bellegarde a une emprise de 14 hectares pour 8000m2 de bâtiments. Il se compose d’un chemin couvert avec parapet et glacis qui entoure la forteresse, d’un fossé creusé dans le roc et d’une première enceinte formée par cinq bastions : Bastions du Perthus, de Saint André, d’Espagne et du Précipice. Entre le bastion du Perthus et celui de Saint André s’ouvre la grande porte de France munie d’un pont-levis. Entre le bastion d’Espagne et celui du Précipice se trouve la porte d’Espagne également dotée d’un pont-levis. Devant la porte de France s’étend une demi-lune fermée par un troisième pont-levis. Deux autres demi-lunes défendent les courtines situées entre les Bastions de Saint-André et d’Espagne.

La seconde enceinte s’élève sur les terre-pleins des bastions  Dépourvue de fossé, elle se compose d’une tour ronde et de quatre petits bastions superposés à ceux de la première enceinte. Cette tour dans un ouvrage tout en lignes droites reste un mystère car sa maçonnerie est identique à celle du reste de la forteresse.

L’enceinte enserre une vaste place d’armes fermée au nord par la chapelle et les appartements du gouverneur, tandis que sur les côtés se trouvent les casernements. Toutes ces constructions sont pourvues de caves à l’épreuve des bombes. 

Armement de la forteresse

Un inventaire de 1705 comptabilise 24 pièces d’artillerie de tous calibres (32.000 boulets, 2 mortiers, 858 mousquets, 38 fusils, 20 arquebuses, 35 hallebardes, 35 pertuisanes, 25 bombes, demi-bombes et grenades, 59.843 livres de poudres et 78.680 livres de plomb. Puissamment armée la place abritait entre 500 et 600 hommes en temps de paix. En temps de guerre elle pouvait en contenir le double. De ce fait aucun assaillant ne pouvait se permettre d’éviter Bellegarde sans courir le risque d’être pris à revers par sa garnison. 

Fortin et redoutes

En 1674, les Espagnols avaient réussi à placer quatre canons à quelques centaines de mètres au sud du château où s’élevait une faible fortification palissadée. Cette artillerie avait causé de gros dégâts à la place avant que l’ennemi ne s’en empare. Dès la reprise du fort , les Français décidèrent de construire un fortin en maçonnerie sur cet emplacement stratégique. Il s’agissait

D’une fortification composée de deux  demi-bastions. Au Nord se trouve un angle saillant en forme de demi-lune défendue par une petite redoute. Un fossé a été creusé au pied du rempart ouest et d’une partie du front sud, le reste étant inaccessible. Un chemin couvert entoure cet ouvrage et communique avec celui de la place. L’entrée du fortin était défendue par un pont-levis aujourd’hui disparu. Outre des casernements pour une centaine de soldats, des écuries et une poudrière située sur le front nord, le fortin possède une chapelle et un puits au sud de sa place d’armes.

Bellegarde du XVIII° à nos jours

Dés lors Bellegarde rempli son rôle de verrou, mais aussi de réservoir de troupes et de munitions durant toutes les campagnes menées par Louis XIV en catalogne : guerre de la ligue d’Augsbourg (1689-1697) et guerre de succession d’Espagne (1701-1715). Après la mort du monarque français et l’affermissement de son petit-fils Philippe V sur le trône d’Espagne s’ouvre pour Bellegarde un longue période de paix. La forteresse devait connaître à nouveau la guerre presque un siècle plus tard à la Révolution française. En 1793 le général espagnol Ricardos envahit le Roussillon et met le siège devant Bellegarde. Privée de tout et bombardée sans répit pendant deux mois la garnison est obligée de capituler. L’année suivante le général Dugommier, après avoir contraint l’armée espagnole à refluer en Catalogne, organise le blocus de Bellegarde. Il interdit tout bombardement car il veut rendre à la place en bon état. Quatre mois et demi plus tard, les espagnols signent la capitulation. La place ne connaîtra plus la guerre. Elle servira aux troupes de napoléon, pendant les campagnes de Catalogne (1808- 1813). L’armée y maintiendra un régiment après la guerre mondiale puis Bellegarde servira d’hôpital en 1939 pendant la Retirade des républicains espagnols avant d’héberger des soldats allemands de 1943 à 1945. désaffecté par l’armée qui le cède aux domaines, puis racheté par la municipalité du Perthus, le fort de Bellegarde s’est tourné vers un destin plus pacifique. Il est ouvert à la visite de fin mai à fin septembre.

Texte de Jean Tocabens

LES IMMANQUABLES DE BELLEGARDE

puits fort de bellegarde le perthus

Le Puits

Située au sommet d’une colline granitique, la forteresse ne peut bénéficier d’aucune source naturelle. On avait donc prévu cinq citernes destinées à recueillir les eaux pluviales pour résoudre ce problème majeur. En 1683 Vauban donnait lui-même l’estimation de leur capacité. Quand elles seront pleines, il y aura de quoi fournir de l’eau à 1200 hommes quatre mois et demi durant, à cinq pintes chacun, en admettant qu’il ne tombe plus une goutte d’eau. Cependant, les citernes se révèlent sans doute insuffisantes puisque l’on reprit les travaux de creusement d’un puits dans le bastion de Saint André. Ce puits, œuvre colossale entièrement taillée dans le roc, a une profondeur de 63 m pour un diamètre de 5m 85. Il est revêtu de maçonnerie dans sa partie supérieure. La hauteur moyenne de l’eau varie entre 27 m et 30 m, ce qui représente un volume de 750 à 850 m3 Entre les citernes et le puits, la forteresse ne pouvait jamais manquer d’eau.
stèle du général dugommier le perthus

Stèle du général Dugommier.

Jacques Coquille est né le 1er août 1738 à la Basse-Terre, en Guadeloupe. Dugommier est le surnom venant du nom de la concession, le Gommier, obtenue par son père, officier du roi et Pocureur général du Conseil supérieur de l’île.
 
Entré à 15 ans dans l’armée, il se signale en 1759 et 1762 pendant la Guerre de sept ans dans la défense de la Guadeloupe puis de la Martinique contre les Anglais.. 

A la Révolution française, il se distingue comme patriote. Elu membre de l’Assemblée coloniale et nommé commandant de la garde nationale de la Martinique, il s’implique dans la répression des troubles qui agitent l’île. En 1793 il sera l’un des grands vainqueurs du siège de Toulon. Ses stratégies militaires novatrices et sa grande valeur militaire reconnues par le gouvernement le portent à la tête de l’armée des Pyrénées Orientales en janvier 1794. La campagne entreprise avait pour but la libération du territoire français tombé aux mains des espagnols lors de l’intervention des troupes du général Ricardos en 1793. Sa brillante victoire à la bataille du Boulou, inscrite sur le pilier ouest de l’Arc de Triomphe, lui permit de repousser l’ennemi derrière la frontière et de libérer Bellegarde après quatre mois de siège, le 17 septembre 1794. Malheureusement, le 18 Novembre, lors de la bataille des Lignes de Figueras, alors qu’il déjeunait derrière une murette de pierres sèches sur les pentes du Montroig, un boulet de canon de l’artillerie Espagnole vint frapper le général et son aide de camp, mettant fin à son exceptionnelle carrière militaire.

Il fut d’abord inhumé au fort de Bellegarde, dans le bastion qui regarde l’Espagne. En 1800, ses restes furent transférés à Perpignan, puis au cimetière Saint Martin où il repose sous un petit monument pyramidal auprès du général Dagobert, tombé sous son commandement sept mois avant lui en Cerdagne Le nom de Dugommier est inscrit au Panthéon. En 1892, l’autorité militaire eut l’heureuse initiative d’élever sur le terreplein du bastion d’Espagne un monument pyramidal quadrangulaire en granit, rappelant que Dugommier avait reposé à cet endroit.

fours à pain fort de bellegarde le perthus

Les Fours à Pain

Le pain constituait la nourriture de base du soldat.il avait droit à sa ration journalière. La consommation de viande étant exceptionnelle, on ne retrouve dans documents d’époque qui évoquent les « munitions de bouche », que  des légumes secs, essentiellement des « fèves et des mongètes ou haricots, du riz et du lard, 20 grammes par jour et par soldat. Plus de 300 ans après leur construction, les fours à pain de Bellegarde toujours en bon état continuent à fonctionner, peut-être parce qu’ils ont été en service jusqu’en 1914.

terrasse panoramique fort de bellegarde le perthus

La Terrasse Panoramique

Appelée dans les documents d’époque « plateforme de gouvernement», cette immense terrasse témoigne du fait que, comme le souligne Vauban lors d’une de ses visites, «Bellegarde n’est commandé de rien ». En effet, cette partie du château offre un vaste et magnifique panorama sur les plaines du Roussillon au nord et du haut Empordà au sud. On peut distinguer au nord la chaîne des Corbières et son point culminant le pic Bugarach (1230 m). A l’ouest, les monts du Vallespir, les Aspres et le Canigou (2784 m). A l’est, après un dernier soubresaut au pic Saint Christophe (1001 m) dont la masse rocheuse très proche attire le regard, la chaîne des Albères qui vient mourir près du Boulou. Enfin, la vue plonge encore sur le village du Perthus, l’autoroute et le poste frontière dominés par la pyramide de Ricardo Bofill symbolisant les deux Catalognes.